• Aménagement paysager comestible

Cultivons la beauté du monde

Guillaume Pelland
15 août 2025
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Les jardiniers d’aujourd’hui, de plus en plus nombreux à cultiver la biodiversité pour goûter à la beauté du monde au quotidien, imaginent des astuces écoresponsables, concrètes et durables. En misant sur l’intelligence naturelle, on rêve de jardins équilibrés, vivants et gourmands. Pour y arriver, voici quelques conseils pour planifier et cultiver son jardin de manière écologique et durable

En observant l’efficacité, la productivité nourricière et la résilience des écosystèmes des milieux sauvages sans entretien, la permaculture nous apprend à dynamiser la terre, sans recours au synthétique, en respect des micro-organismes nécessaires à sa fertilité.

Plus que jamais, on repense le jardin comme un espace peuplé de plantes vivaces, cumulant des qualités ornementales et alimentaires. Utiles et souvent comestibles, elles peuvent par ailleurs présenter certaines vertus thérapeutiques, pour la terre comme pour nous.

La pelouse autrement

Puisque la pelouse traditionnelle peut être plus exigeante en eau et en engrais et nécessiter une tonte plus fréquente, en plus d’être préférée par certains ravageurs, dont le scarabée japonais, et d’être vulnérable aux adventices lorsqu’elle n’est pas assez dense, voici quelques solutions pour en concevoir une autrement :

  • Implantez une pelouse écologique, tolérante au piétinement et à la sécheresse, à base de microtrèfle ou autre trèfles blancs, thym rampant, orpins, ou même d’un mélange pour pollinisateur ou autre particularité. Selon votre situation et vos objectifs, vous avez le choix de repartir à neuf, ce qui implique un bon effort de détourbage, mais il est aussi possible d’effectuer un sursemis (technique pour renforcer ou compléter la flore existante).
  • Remplacez des parcelles de gazon par la création de plates-bandes ou de pré fleuri. Cela permet d’offrir une plus grande diversité végétale à la faune environnante ainsi que des plantes nectarifères aux pollinisateurs.
  • Pour toutes ces options, une tonte haute (minimum 8 cm) favorise la rétention de l’eau, limite la ponte de scarabées japonais et favorise la biodiversité du sol en offrant une meilleure protection aux micro-organismes présents.
microtrèfle, prairie fleurit
Pelouse de microtrèfle accompagnée d'une bande fleurie composée de calendules, centaurées, pavots d’Orient.

Vers une meilleure gestion de l'eau

  • Choisissez des plantes vivaces adaptées au niveau d’humidité du sol. Cela évite d’avoir à compenser avec des arrosages fréquents pour des végétaux mal adaptés à leur emplacement.
  • Décompactez le sol pour favoriser l’infiltration d’eau et ajoutez-y des matières organiques comme du compost. Paillez ensuite avec du bois raméal, qui contribuera à conserver l’humidité et à réduire l’évaporation.
  • Arrosez uniquement au besoin, notamment dans les semaines suivant la plantation ou lors de périodes de sécheresse prolongée. Lorsque l’arrosage est nécessaire, privilégiez un arrosage manuel tôt le matin, moment de la journée où l’évaporation est minimale, ce qui permet une meilleure absorption par les plantes tout en réduisant le risque de maladies.

La faune ailée, alliée locale

Plus il y aura de familles botaniques dans vos aménagements, plus vous attirerez une harmonie d’oiseaux, de pollinisateurs et d’insectes, et plus cette biodiversité évoluera naturellement vers un riche équilibre. En plus d’encourager un contexte concurrentiel modérateur, cette stratégie de gestion de risques vous épargnera les tracas des violences phytosanitaires. Un modèle éprouvé et perpétué par la nature.

Privilégiez des végétaux indigènes ou naturalisés. Organisez-les de façon que des floraisons diversifiées se succèdent, du printemps à l’hiver. Ainsi, la faune locale s’établira en permanence.

Misez aussi sur les plantes répulsives, en compagnonnage avec fruitières et potagères, renforçant les défenses là où des récoltes sont attendues. Les herbes aromatiques (thym, sauge et monarde par exemple) font partie de cet arsenal dont les huiles se révèlent essentielles tant pour brouiller les pistes des insectes ravageurs que dans vos recettes coquettes, tandis que les alliacées (famille de plantes qui regroupe plusieurs plantes savoureuses comme l’ail, l’oignon, la ciboulette et l’échalote) dégagent des composés soufrés antifongiques.

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Papillon tigré du Canada attiré par le parfum puissant des fleurs
d’Olivier de Bohème

Variez hauteurs, couleurs et saveurs

Composez des guildes végétales (regroupements de plantes complémentaires qui s’entraident naturellement) multistrates : arbres lorsque possible, grimpantes, arbustes, herbacées puis couvre-sols. Respectez les dimensions prévues pour chaque plante à maturité (n’hésitez pas à faire un schéma de plantation) en tenant compte des besoins d’ensoleillement à long terme.

Quant aux annuelles potagères, regroupez-les au soleil si possible, à proximité d’une source d’arrosage, surtout si vous devez cultiver en contenants. Cela facilitera les plantations et semis successifs et permettra la mise en place d’un plan de rotation des cultures visant à déjouer les insectes nuisibles et les maladies tout en optimisant le prélèvement des nutriments.

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Aménagement avec une belle variété de végétaux de différentes hauteurs, couleurs et saveurs.

Les clés de l'entretien minimal

À moins que votre sol ne soit trop compact ou contaminé, il est préférable de privilégier l’utilisation du sol existant en lui apportant quelques améliorations, au besoin. Pour l’enrichir et le rendre fertile, ajoutez du compost. Celui-ci fournira les éléments nutritifs nécessaires. Recouvrez ensuite de bois raméal. Le paillis de bois raméal fragmenté est constitué de rameaux de feuillus biodégradables. Il rappelle l’aspect d’un sol forestier et recrée sa richesse humifère, mycorhizée (donc enrichie par l’association bénéfique entre champignons et racines des plantes, qui favorise leur absorption des nutriments) et spongieuse. L’automne, les feuilles peuvent contribuer automatiquement au paillage.

Le maintien d’une épaisseur de 7 cm de bois raméal, en plus de limiter l’érosion de surface et les variations thermiques, réduit considérablement trois tâches classiques au jardin :

  • l’arrosage : réduit l’évaporation et le ruissellement, améliore l’absorption;
  • le désherbage : empêche les herbes indésirées de germer;
  • la fertilisation : se décompose, se transforme en compost nutritif et rétenteur.
paillis de bois raméal fragmenté

Paillis de bois raméal fragmenté en vrac chez Paysage gourmand

Faisons de la terre un grand jardin

Parmi les gains individuels ou collectifs du jardinage écologique, notons, en plus des économies substantielles d’intrants, une autonomie et une sécurité alimentaire, sans oublier les occasions de tisser des liens avec d’autres jardiniers, des voisins ou des membres de son entourage, dans un contexte favorisant l’échange de surplus, le partage d’idées et l’entraide.

Les principes d’un jardin écoresponsable s’appliquent partout. Intégrons-les à nos aménagements urbains à grand renfort de politiques publiques et de certifications biologiques. Il nous appartient d’en élargir la pratique aux parcs municipaux, aux résidences, aux commerces, aux jardins communautaires, aux écoles et à l’agriculture.

Cet article à été publié au printemps 2025 dans le Devoir.